Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon.
cette réflexion de Tolstoï m'a souvent paru d'une grande vérité, même si elle date du XIXe. je reviens à cette phrase en essayant d'expliquer les lieux de mémoires et leurs occurrence en Europe contemporaine.
on reproche souvent au vieux continent de produire des lieux de mémoire négative, les traces des guerres mortuaires, des camps de concentrations, des goulags, des places ou les jeunes se sont immolés pour protester contre leur régime.
mais on peut aller plus loin dans cet ordre d'idée. j'ai essayé de me rappeler un lieu de mémoire positif pendant une minute. ensuite j'ai fait le même exercice mais déjà sur internet. à la recherche des lieux de mémoire positive en Europe. quelque chose de récent si possible.
le parc de Gaudi à Barcelone (sauf que c'est bel et bien une création des siècles passés), le parc Disneyland à Paris (à bon? n'est-il pas trop lié à la consommation, à un système qui est moins européen)... je ne sais plus alors. ou bien, ça peut être des musées ou d'autres lieux construits dans le cadre des projets culturels, à l'échelle continentale. le musée d'art contemporain de la ville de Graz s'y intègre, le Guggenheim de Bilbao. mais rien d'autre. est-ce donc une stérilité du vieux monde?
mais si l'on considère les choses différemment il peut y avoir d'autres réponses. la ville européenne, bien qu'elle soit horizontale, elle est un espace clos. c'est la ville momifiée, on n'y construit que très peu, à contrecoeur et très souvent vers la périphérie pour dépanner un peu la pénurie des logements.
l'espace urbain européen est donc un espace préconçu, médusé devant la quantité des reliques des siècles passés devant lesquelles des troupeaux de touristes ne étalent leur lentilles multi-pixels. on y préserve tout, on y construit de moins en moins, pour ne pas dire que peut être c'est à cause de ça que les lieux de mémoire positive n'ont plus de places...
il y a quand même notre sensibilité plus importante devant tout ce qui fait crise, crime ou drame , car on est assoiffé de la différence (afin de reprendre l'idée de Tolstoï). et bien s'il y a un nouveau musée ou une maison qui est restaurée, alors y aura un article nain dans les journaux du jour, tandis qu'un meurtre, une explosion ou toute autre catastrophe sera mis sur la une avec des titres en gros. cette soif de saisir le mal, de le sentir à côté, de le crier sur dans les derniers journaux ou sur les chaînes d'info. c'est donc ça qui crée un fort déséquilibre entre la mémoire positive et négative, c'est ce qui fait coller les lieux de deuil ou les places des commémorations à la mémoire des masses. ce qui me fait dire que ces vagues statistiques attestant la stérilité du vieux continent de se penser positivement est un état de notre temps, de la société et l'impatience humaine de frapper au lier d'agir tout simplement, de l'inférence faisant place à la rage, aux ruines, à la mort.
je ne veut point dire qu'il faut gommer l'actualité ou encore moins qu'on doit choisir et mettre en avant des nouvelles arc-en-ciel. il faudra juste garder un peu d'espace pour une mémoire positive.
certes, si le miroir porté le long du chemin met en avant ses lacunes (et ses trous), ce n'est pas la faute de celui qui le fait avancer, il faut blâmer les autorités qui en sont responsables.
il y a peut être quelque chose à changer en nous, afin qu'on puisse retenir les bons moments avant les pires, et qu'on célèbre non pas le jour ou l'endroit de la souffrance, mais le jour ou l'on a mangé pour la première fois de la crème chantilly...
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