une fois de plus le bruit insupportable de la chambre voisine te réveille en pleine nuit
quatre heures et demi... encore une nuit gâchée
à ton âge l'insomnie laisse impitoyablement des traces sur ton visage qu'aucun fard au monde ne saura plus caché
t'as froid t'as soif tu te retrouve une fois de plus dans une fade chambre d'hôtel dieu sait dans quelle ville du monde
une carafe d'eau à côte lit tu l'as presque renversée heureusement pour toi il y en reste encore de l'eau pour te désaltérer
tu bois les secondes se dilatent les heures pâteuses fondent sous tes yeux comme dans la toile étrange de cet artiste excentrique dont la moustache pointu te rappelais celle de Vélasquez
tu te rappelle que je ne sais plus quel bruit t'a réveillé et furieuse tu frappes contre le mur
qui est donc ce salaud qui ose te réveiller à quatre heures du matin
tu t'habille pendant de longues minutes et te dirige ensuite vers la fenêtre que tu ouvres comme d'habitude afin de mieux pouvoir respirer
la fraicheur matinale te fais du bien tu fermes les yeux et tu entends encore le bruit qui t'as réveillé
mais c'est l'ouverture du sacré du printemps
oui c'est ce morceau intense qui te plais tant chez Stravinski depuis que ton nouvel ami mexicain t'as offert un nouveau CD enregistré à Londres
et c'est à ce moment même que tu réalise que ce bruit musical qui t'as impitoyablement jeté dans les bras de l'insomnie ne venait pas point de la chambre voisine mais de ton rêve "de mon rêve..."
cette découverte te donne des vertiges et tu a juste le temps de te déplacer à côté de la chaise la plus proche et de t'y écrouler... désolée...
devant tes yeux le soleil levant étales ses couleurs épaisses annonçant un nouveau jour printanier
autrefois tu aimais t'imaginer le soleil levant en noir et blanc comme dans ces long filmes muet qui ont fais la gloire de Hollywood
colorer ce noir et blanc matinal était pour toi un délice chromatique imaginer le soleil rouge, rose, bleu marin étalant ces couleurs, sa lumière diaphane sur des montagnes, sur la surface lisse de l'océan, sur les rues endormies des studios de cinéma comme dans un Warhol total
mais aujourd'hui la sonorité cauchemardesque de tes rêves te fais tressaillir te colle sur une chaise devant la chromatique matinale d'une ville inconnue et cela te fais éprouver ce qu'à ton avis a dû éprouver le voyageur égaré dans la ville des chats de l'histoire que Tengo lisait à son père
cette histoire que t'as relue plusieurs fois dans l'opus populaire d'un nippon ressemblait bizarrement au récit de voyage de ton nouvel ami mexicain aime te raconter ce village abandonnait dans les Pyrénées ou il n'habitait qu'un seul couple, les seuls habitants qui ont refusé de quitter leur maison il se fait que par je ne sais quel miracle un nombre impressionnant de chats se sont installés dans les maisons voisines ton amis te montrais les croquis de chats des chats sur le toit des chats allongés sur le seuil des chats qu'il s'amusait de colorier d'une façon irréaliste en vert ou rouge ou encore couleur aubergine et dont un seul te semblais réussi un chat turquoise que tu t'amusais d'appeler Ulysse car tu le voyais flâner dans les rues de Dublin
tu te sens seule au monde, en proie aux scénarios d'une Miss Havisham contemporaine autrefois muse des critiques et metteurs en scène hollywoodiens, aujourd'hui prisonnière du théâtre, un genre que tu considère comme inférieur que tu considérais... passé, présent, le temps s'engouffre dans tes idées même l'image du chat turquoise
et alors en regardant le matin s'afficher sous tes yeux, les rues ou les gens rient, s'embrassent, s'attendent, chantent ou tout simplement sont heureux, tu te promets que tu vas faire tout à l'heure ta valise et tu vas retourner dans la contrée ou tu te sens calme
c'est l'heure du café et tu remets ton évasion à demain car aujourd'hui les secondes se dilatent les heures fondent comme dans la toile étrange de cet artiste excentrique dont la moustache pointu te rappelle un autre artiste aujourd'hui tu veux ton petit café
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