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mercredi 8 juillet 2009

la vielle dame et le chat. lecture tordue


- C'est le matin, madame, nous sommes arrivés au bout. Mon maître essaie de m'en faire douter et je dois vous avouer que cela a failli lui réussir. Mais ce n'est pas pour rien que j'ai survécu cette longue nuit et je peux vous assurer qu'elle touche au bout de son répertoire. Mais dîtes moi plutôt si vous êtes encore paré de votre fièvre?

Samedi matin l'impatience la réveilla. Elle prit un comprimé couleur crème avec une infusion des fleurs en plastique et s'installa ensuite devant la fenêtre. Depuis deux semaines il pleuvait sans cesse. Il n'y avait personne dans la rue, seul son regard se promenait à la même heure sur le pavage humide. Malgré son effort de concentration elle n'arriva point à se rappeler le contenu de son rêve. L'aube s'annonça grisâtre à l'horizon balayant les quelques images qui lui restait devant les yeux. 

Soudain miss Havisham eut un léger frisson. Elle regarda autour d'elle avec une concentration particulière, comme pour y retrouver des miettes de son rêve. Puis elle prit ses lunettes cassées et répéta le même exercice plusieurs fois. 
La chambre était vide, il n'y avait que le chat du voisin.

- Oui, madame, c'est encore moi. Je viens souvent chez vous, mais c'est pour la première fois que je vous parle. Ulysse est mon nom et je suis le chat bohème de votre voisin, le peintre. 
- Es muss sein.
Drôle de chat. Il avait des tâchez multicolores, cependant elle le trouvait étonnamment   bleu.
- Madame miau ne vous en fait pas, c'est la pluie et votre imagination tourmentée par  vos éternels comprimés qui me donnent des ailes ou plutôt de la voix 
- C'est donc le chat de l'artiste, se dit elle. Mais qu'est-ce qu'il fout chez moi? 
Elle le regarda de plus près. Après d'un geste mécanique pris son livre et se mit à lire à haute voix.

Iamque rubescebat radiis mare et aethere ab alto (pause)
Iamque rubescebat radiis mare et aethere ab alto
Aurora in roseis fulgebat lutea bigis,
cum uenti posuere omnisque repente reseditflatus, et in lento luctantur marmore tonsae
agmen agens equitum et florentis aere cateruas,
bellatrix, non illa colo calathisue Mineruae
femineas adsueta manus, sed proelia uirgo
dura pati cursuque pedum praeuertere uentos.


Le chat semblait légèrement déprimé par le mauvais latin de sa lectrice. Il fixa ses lunettes brisées et se demanda en bon chat philosophe si c'était toujours à cause des fourmis. Lui, il savait bien que la vielle dame avait fait le même rêve. Elle le faisait depuis sa jeunesse. La même ennuyeuse conversation avec un ange lui annonçant le jour de sa mort. At this point I have a curious confession to make. You will laugh – but exactly and truly I somehow never managed to find out quite exactly what the real dream was about. I do know not it yet. Oh, I have learned a few odds and ends.

- Quel est ton nom chaton? - Ulysse. La vielle dame regarda le nom de l’auteur Ulysse. Elle éclata de rire : - Décidément tout le monde y est Ulysse! - C’est vrai, lui répondit le chat, je suis lui et il est moi. Toujours est-il qu'il y a plus de chat que d'Ulysse cette ville. - Et ça tourne en rond, cria la dame en écartant soudain ses bras et en tourbillonnant dans la pièce comme un gyroscope.

- Je suis Miss Havisham. Je le dis de mon plein gré. Oui. Ce n’est pas mon véritable nom. Non. Certes, mon esprit n’est pas tout ce qu’il devait être. Mais cela on n'y peut rien. Non. Pas du tout. Pas dans ce rêve que je n'arrive pas à transcrire en tout cas. On ne peut plus transcrire ses propres rêves à cause de cette humidité morbide qui fait fondre l'encre. J’ai soixantequatrevingtdixneufseize ans. Je suis la proie d’une continue immaturité affective. Hier soir j’ai déchiré ma robe en papier-mâché et ce matin je vais m'en faire une autre en tissu bénigne. Je me lève à six heures du matin depuis le dernier solstice de notre cher pape. Et je ne pris plus. Je lis le même livre. Parfois à tâtons, parfois à l’inverse, mais toujours avec une constante curiosité. J’aime les confessions et les infusions. Je ne suis pas un papillon même si j'ai vu la lumière du jour aux tropiques. Pourtant pendant mon enfance on m'a bien appris faire le passo doble et depuis chaque dimanche matin je trempe le violon dans le lait vierge de la fille du laitier. (Dommage qu'on ne soit que Samedi...) Je ne suis qu’une pale ombre de ce que mon auteur veut que je sois c'est pour cela que j'ai du mal à trouver ma place dans son théâtre clair-obscur. Mon voisin parle souvent aux statues, celui d'en haut attend son Alice, qui ne se laisse jamais inviter à prendre une bonne tasse de pluie. Cette pauvre fille habite au deuxième. Elle se promène nu pied et enseigne la langue de bois aux apprentis maniaques. Elle leurs fait du riz aux plumes sans pour autant déplumer les cygnes du lac.
Il y a des villes qui ont un goût de malheur. On les reconnaît dès que l’on avale un peut de leur air usagé et stagnant, aussi appauvri et humide que la vieillesse. La vielle dame se perdait dans le labyrinthe de glaces. Le chat se coucha sur la table en écoutant les propos philosophiques de Miss Havisham. 
Il pleuvait toujours sur les rues vides et la même voix rauque repris la lecture... 

Hos super aduenit Volsca de gente Camilla
agmen agens equitum et florentis aere cateruas,
belatrix, non illa colo calathisue Mineruae
femineas adsueta manus, sed proelia uirgo
dura pati cursuque pedum praeuertere uentos.

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