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mardi 15 février 2011

sur les révolutions


les révolutions... très actuel, vu les bouleversements. ça fait une vague positive dans le monde arabe. un scénario digne d'être gravé dans l'histoire - le peuple jetant à la poubelle ses dictateurs momies, des régimes qui changent - un vrai printemps des peuples (non sans le coup du pouce du frère yankee, mais qu'importe). la démocratie est-ce vraiment si contaminant? on dirait bien...

les révolutions, ça fait une longue histoires, beaucoup de tête tombés au pied des idéaux plus ou moins illusoires, des gens s'immolant devant le regard immobiles des dictateurs (dictatuers serait mieux), sans oublier les monarques dont la lumière ne faisait que maintenir les ténèbres.

"ça va finir par le sabre" disait Catherine II à propos de la révolution française, la grande. elle a eu bien raison. tout finit presque pire qu'au commencement - un mégalomane à la tête de la nation, qui annule le partage du pouvoir et qui arrache sa couronne des mains d'un pape médusé.

aujourd'hui on serait tenté de dire que ça valait le coup, les rivières de sang et même le petit général qui se laisse emporté par le mythe de son pouvoir dans les bras mortuaires d'un hiver russe. et bien, un hiver ça mord sans épargner l'estime de soi des grands généraux, sans se soucier trop de l’épanouissement des valeurs révolutionnaires. (pour ne pas oublier - décembre, janvier, février - les meilleurs généraux russes...)

mais les révolutions, ça finit pas comme ça - pour ceux qui n'ont pas encore pigé, je parle des classiques et non pas des récentes (thank you for joining us and do not change the channel). les révolutions, ça commence par les utopies les plus douces pour finir dans une morale de deuxième fraîcheur. à voir au moins la révolution russe s’annonçant comme la mise en place des grandes idées du marxisme allemand. voir plus - l'empire tsariste s'écroule et voila lenin lançant le droit à l’autodétermination des peuples. voilà donc Finnois, Ukrainiens, Moldaves se réjouir de la possibilité de refaire leur destin à leur bon gré. sauf que sa dure pas trop, ce bonheur, un autre mégalomane va y mettre fin dès que possible.

les révolutions, ça se regrette. à voir les jérémiades dans la presse roumaine ou les multiples publications sur la vie des ceausescu. des gens qui se demande s'il n'ont pas eu tord d'avoir fait cette révolution. car une révolution, ça s'assume. non que les Roumains ne l'assume pas, mais que la contre partie de toute cette histoire sur la une des journaux les plus importants du pays, c'est au moins paradoxale. en quelque sorte ça me rappelle le film "Total eclipse"sur le couple Verlaine-Rimbaud, ou ce dernier disait qu'il faut bien soit trouver le courage d'assumer les choses faite soit de cesser les faire.

on dit que les 3 révolutions les plus importantes ont été faite par les Juifs : la première par Jésus "tout est amour", la deuxième par Freud - "tout est sexualité" et la troisième par Einstein - "tout est relatif"

j'ai failli oublier les drôles de révolutions, les révolutions dans les anciens pays soviétiques. la révolution des roses en Géorgie, on a du mal à en repérer les traces; l'orange en Ukraine, un double échec, car la coalition arrivée au pouvoir est vite partie sans laisser de très bonnes traces et non sans l'aide du grand frère slave... et la toute petite révolution Twitter en Moldavie, nom sans doute exagéré, or, ma foi, dans la contrée la plus pauvre d'Europe, on oublie souvent que l'internet est encore un luxe, donc dans toute cette histoire il y avait peut être une dizaine des jeunes avec un compte twitter. c'est plutôt la révolution textos. cette dernière révolution, que l'on a du mal à mettre dans un schème, qualifiée par les uns de coup d'Etat et par les autres comme le point de départ vers l'eldorado européen. au moins, elle a eu un impact la capitales et les autres grandes villes non sans les réseaux de socialisations, mais... (c'est à développer une prochaine fois)

finalement on touche aux révolutions des jeunes. la 68, l'année de l'amour, un enfant si elles veulent et quand elles veulent (pourvu qu'elles veuillent), makelovenotwar, woodstock, musiques, tolérance, épanouissement personnel et sexuel, le cinéma art-house, la nouvelle littérature avec l'oeuvre qui poignarde son auteur, avec un impérieux désir de choquer, de bouleverser, de mettre en ouvre les révolutions. et l'art, la Mecque des révolutions - des artistes qui vont tout changer. l'art se révolutionne. on met en avant des poupées égorgées avec de la sauce tomate. les crânes se couvrent de diamants, les ouvres classiques se brisent en mille morceaux qui resurgissent dans une nouvelle lumière. des squelettes faisant l'amour. des vaches coupées en deux parties symétriques, des mangas gigantesques miroitant l'esprit maladif de l'artiste. des révolutions introverties. un oeuf cuit dans un cube au milieu d'un musée à mi chemin entre le corbusier et une fusée après le pire accident, sur le toit d'une voiture faisant peau neuve devant un public extasié.

vivent les révolutions

jeudi 10 février 2011

sur les folies ordinaires


la pensée ordinaire, la révolte des masses, des gens qui s'étouffent dans leur petitesse et qui se jettent sur les grandes figures du passés.

je ne veux pas faire une apologie des immortels, mais ce qui me fait réagir c'est une pensée étroite qui nous fait juger les hommes par le prisme d'un seul geste, sans même faire l'effort de comprendre qu'ils appartenait à une autre époque et que leurs oeuvres valent plus qu'un mot fichu.

ainsi, le fameux N words, qui détermine la communauté afro-américaine de s'ériger contre l'ouvre de Marc Twain. hélas, Mesdames et Messieurs, à l'époque du grand écrivain il n'y avait pas un autre mot, pour ne pas dire que le malheureux vocable n'avait pas encore acquis son statut ignoble. ce qui choque dans cette histoire est sans doute le fait qu'on ne retient plus l'idée que Twain est un grand écrivain ou qu'il est un ardant défenseur des droits de l'Homme (y a des moments ou je doute qu'on puisse l'écrire avec une majuscule), qu'il étale une attitude contre l'esclavage sudiste, un acte de bravoure à ces temps là. et bien, on a tout gomme, car un seul mot est suffisant pour foutre tout une oeuvre à la poubelle.

l’antisémitisme de Céline. et une communauté qui s'excite et s'enrage lorsqu'il s'agit de célébrer l'écrivain. on pourra jamais les faire comprendre que l'écrivain et son écrit ne sont pas la même chose, que s'il y a un personnage qui prend des attitudes antiquelque chose ça ne veut point dire que c'est l'écrivain qui parle, car la personne qui crée est un peu plus complexe que l'on peut s’imaginer. ainsi donc les autorités françaises se plie devant le discours creux de ceux qui dans leurs lunettes de bête ordinaire n'est plus capable de voir plus loin que le but de son nez.
carilestbienantisémitecefichucéline. si là-haut on voit ces esprits déboussolés, on doit s'amuser à la Voltaire...

l'ancien maire de Danzing, dont le nom m'échappe (au moins ça) qui ait retiré à Günter Grass le titre du citoyen d'honneur de la ville après la publication des mémoires de l'écrivain. ma foi, mais on aurait du lui dire quoi faire de son titre, à ce maire. or, voyez vous, on peut jeter tout une conscience dans la merde, pour une confession tardive. et oui, M. Grass a fait partie de la hitlerjugen. comme quoi on avait trop le choix...

la massification de la pensée humaine me stupéfie encore. non, je ne suis pas candide pour m'extasier devant un banal - tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, et pour ceux qui doutent encore, je ne suis ni antisémite, ni raciste, ni nazi. je voudrais juste qu'on apprenne à penser lorsqu'on doute, pour faire preuve de notre existence et non pas se laisser emporter par les idées préconçues, sans se devenir un humble détail du fast-think.

il faut surtout pas se laisser noyer dans les petites folies ordinaires. osez penser plus loin (osez penser pas comme les autres...), car seule une pensée saine pourra enlever la pierre des folies ordinaires

mardi 8 février 2011

ceci n'est pas une pomme. apologie.


une pomme. une belle pomme, somme d'une saveur toute neuve. couleur d'une tendre maturation automnale. un parfum discret des vents et des pluies qui ont fait naître ce fruit. cette pomme. est-elle vraiment irrésistible? est-ce juste une apparence? un infini brin de tentation qu'un ange déchu a mise avec ruse et habileté sur la table voisine.

cette pomme que mes yeux fixent depuis une demi-heure, mais est plus qu'un fruit banal, car il exerce une force occulte sur mes désirs, mes sens. cette pomme... tant mieux. le voisin n'est pas là. rendez-vous gourmand. 1:0 en ma faveur.

qu'est-ce que ça peut inspirer une pomme? la chute? un paradis de moins, un de plus. le premier couple séduit par l'irrésistible alliance serpent-pomme n'ont pas pu résister. hélas. une pomme qui fait finir la belle époque (celle paradisiaque) pour tout une humanité. un petit morceau qui raccourcie le temps primordial, comme si Eve et Adam avait mordu l'éternité. ce dernier devra s'en souvenir, car le morceau de pomme lui colle à la gorge, et on le porte tous (les hommes) depuis. à chacun sa pomme...

mais cette pomme qui tombe sur la pomme du savant. disons d'un mathématicien faisant sa petite sieste. un chute, beaucoup plus modeste cette fois, mais très importante. or, le génie endormie retrouve (d'un seul coup de pomme) sa vocation de physicien et le monde tout entier fait connaissance d'une nouvelle force. Let me introduce myself, I am the force of Gravity.
ainsi, avec une seule pomme on a découvert qu'on est tous cloué au sol, dépourvus d'une autre tentation, celle de s'envoler...

y'aura encore la pomme de Samsa. c'est-à-dire de Kafka. ou des deux. car le deuxième invente le premier, le transforme le premier et le fait mourir d'un coup de pomme, qui d'après certains, annonce sa propre mort. pauvre Grégor isolé des siens, qui essaie de franchir le seuil de la chambre à coucher des ses parents et se retrouve avec une pomme jeté dans son fragile dos de coléoptère. la pomme comme double métaphore de la sexualité parentale et de la furie paternelle (Franz connais sans doute le goût amère de ce fruit). une pomme qui tue une fois de plus. une pomme qui fait les poumons du créateur...

on peut ajouter la pomme des Grimm. des frères. les pères de la Blanche Neige. cette pomme qui est empoisonnée. fruit de la jalousie, voilà la pomme qui devient un fruit interposé les deux femmes, ou plutôt entre la femme est la jeune-fille. la première qui se fait sorcière et Blanche Neige, cette pauvre pomme qui croit tous ce qu'on lui dit. allez, mange un pomme, ma pouce, tu l'as bien méritée...[c'est d'ailleurs fort curieux de voir comment les contes européens suives en fait les mésaventures des personnages, car dès qu'ils sont en sécurité, c'est la fin. ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfant. ze end! c'est pas intéressant le bonheur, même pas pour les mômes...] la pomme est en fait un fruit paradoxalement féminin (les freudiens n'on qu'à confirmer). la pomme qui tue encore, qui raccourcie la vie, qui reprend donc sa dispute avec le temps, qui lui est imprégné des les temps du vieux testament.

la terre est bleue comme un orange, aurait dit un surréaliste. pourtant on sait bien que si elle l'est, alors c'est en reprenant les formes d'une pomme. or, bien ronde, la terre est ellipsoïdale. comme une pomme encore. d'autant plus que la structure terrestre ressemble plutôt à celle d'une... padam... pomme, bien entendu.

la pomme, dont la silhouette mordue à droite, fait vendre, à la rage verte de mr microsoft. ou qui une foi mariée à la terre devient patate, donc encore plus vitale pour les trois quarts de la population terrestre, car ça fait nourrir.

cette pomme, qui, vu l'heure, sera mieux d'être consommée en calvados. pour que la tentation suive son ascension sous les paupières lourdes de la nuit.

PS : ceci n'est pas une pomme

les racines russes du black swan


black swan, le cygne noir qui hante l'inconscient, incorseté dans des "il faut pas" et d'autres règles que certains se hâtent subir chaque jours. (j'espère que la perfectionniste puisse saisir l'allusion de cette première phrase...)

la dernière création de M. Aronofsky, comme tous ses films d'ailleurs, se penche sur la figure d'une jeune fille prisonnière de son perfectionnisme. un film profond et angoissant pour sonder le monde de la danse, du ballet pour être plus sur.

c'est du classique. un point départ russe - peut être à cause des racines lointaines que le metteur en scène a avec ce pays. quoi que l'on puisse dire le film est construit sur la somme des paradigmes russes.

Aronofsky a dit dans ces derniers entretiens que c'est "Le double" de Dostoïevski qui l'inspire, mais aussi sa soeur, qui pendant son enfance a fait du ballet. c'est aussi "Le lac des cygnes" de Tchaïkovski, le sacré saint du ballet, qui jongle avec le double, cette fois les deux cygnes, le blanc et le noir, les deux parties étant jouées par la même ballerine.
et puis quoi de plus russe que le ballet? à compter les saisons russes en France au début du XXe. il y a encore le nom de la protagoniste Nina et sa popularité dans chez les slaves ou les orthodoxes.
ou autre thème, lui aussi russe, celui de la femme enfant, qui apparaît chez Tolstoï, dans "Guerre et paix" - Natacha Rostova, mais surtout la princesse Marie, soeur du prince Andreï, qui est tout simplement terrorisée par la nature perfectionniste de son père, nature qu'elle ancre abondamment dans son âme.

et bien, pour ne pas bavarder trop littérature, la Nina d'Aronofsky, cette femme enfant qui s'écroule sous le poids de son perfectionnisme, de son impérieux désir de faire sortir le côté noir, inconscient de sa personnalité afin de bien faire la danse du cygne noir - me fait penser, somme toute, aux personnages d'Elfriede Jelinek. or, Nina n'est plus l'image complexe du réalisme, mais un microcosme, d'une étonnante sinuosité de l'esprit allant du génie à la paranoïa, de la sexualité aux troubles de l’inconscient.

un grand avantage du film - une excellente performance de Natalie Portmann, un rôle qui lui a fait huit mois de danse et qui exigeait d'elle une silhouette squelettique, ce qui la font une des favorites pour le prix d'interprétations.

un film bon tout simplement. à voir (si vous n'êtes trop sensibles au style un peu fataliste d'Aronofsky) après un petit verre de quelque chose de fort (pour qu'on ait les nerfs détendus) [pour rimer avec les références du film, vous pourriez opter un shot russe...]

le miroir et la mémoire


Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon.

cette réflexion de Tolstoï m'a souvent paru d'une grande vérité, même si elle date du XIXe. je reviens à cette phrase en essayant d'expliquer les lieux de mémoires et leurs occurrence en Europe contemporaine.
on reproche souvent au vieux continent de produire des lieux de mémoire négative, les traces des guerres mortuaires, des camps de concentrations, des goulags, des places ou les jeunes se sont immolés pour protester contre leur régime.

mais on peut aller plus loin dans cet ordre d'idée. j'ai essayé de me rappeler un lieu de mémoire positif pendant une minute. ensuite j'ai fait le même exercice mais déjà sur internet. à la recherche des lieux de mémoire positive en Europe. quelque chose de récent si possible.

le parc de Gaudi à Barcelone (sauf que c'est bel et bien une création des siècles passés), le parc Disneyland à Paris (à bon? n'est-il pas trop lié à la consommation, à un système qui est moins européen)... je ne sais plus alors. ou bien, ça peut être des musées ou d'autres lieux construits dans le cadre des projets culturels, à l'échelle continentale. le musée d'art contemporain de la ville de Graz s'y intègre, le Guggenheim de Bilbao. mais rien d'autre. est-ce donc une stérilité du vieux monde?

mais si l'on considère les choses différemment il peut y avoir d'autres réponses. la ville européenne, bien qu'elle soit horizontale, elle est un espace clos. c'est la ville momifiée, on n'y construit que très peu, à contrecoeur et très souvent vers la périphérie pour dépanner un peu la pénurie des logements.
l'espace urbain européen est donc un espace préconçu, médusé devant la quantité des reliques des siècles passés devant lesquelles des troupeaux de touristes ne étalent leur lentilles multi-pixels. on y préserve tout, on y construit de moins en moins, pour ne pas dire que peut être c'est à cause de ça que les lieux de mémoire positive n'ont plus de places...

il y a quand même notre sensibilité plus importante devant tout ce qui fait crise, crime ou drame , car on est assoiffé de la différence (afin de reprendre l'idée de Tolstoï). et bien s'il y a un nouveau musée ou une maison qui est restaurée, alors y aura un article nain dans les journaux du jour, tandis qu'un meurtre, une explosion ou toute autre catastrophe sera mis sur la une avec des titres en gros. cette soif de saisir le mal, de le sentir à côté, de le crier sur dans les derniers journaux ou sur les chaînes d'info. c'est donc ça qui crée un fort déséquilibre entre la mémoire positive et négative, c'est ce qui fait coller les lieux de deuil ou les places des commémorations à la mémoire des masses. ce qui me fait dire que ces vagues statistiques attestant la stérilité du vieux continent de se penser positivement est un état de notre temps, de la société et l'impatience humaine de frapper au lier d'agir tout simplement, de l'inférence faisant place à la rage, aux ruines, à la mort.
je ne veut point dire qu'il faut gommer l'actualité ou encore moins qu'on doit choisir et mettre en avant des nouvelles arc-en-ciel. il faudra juste garder un peu d'espace pour une mémoire positive.
certes, si le miroir porté le long du chemin met en avant ses lacunes (et ses trous), ce n'est pas la faute de celui qui le fait avancer, il faut blâmer les autorités qui en sont responsables.

il y a peut être quelque chose à changer en nous, afin qu'on puisse retenir les bons moments avant les pires, et qu'on célèbre non pas le jour ou l'endroit de la souffrance, mais le jour ou l'on a mangé pour la première fois de la crème chantilly...

mardi 1 février 2011

Un discours de 5 etoiles


j'ai toujours été sensible au monde du septième art. une sensibilité prenant sources dans la volupté d'avoir devant ses yeux l’épanouissement d'un imaginaire sans précédent. son, images, mots, jeu des acteurs, suspens, la main invisible du metteur en scène, le jeu sur la sensibilité ou les limites du spectateur... il y a tout, jusqu'à créer une dépendance.

le dernier film que j'ai tout simplement adoré c'est "Le discours du roi" (The King's speech) avec Collion Firth et Helena Bonem Carter. un film d'une rare pureté de l'image, sans explosions, monstres ou espions, mais avec un roi bégayant, chose qui le rend paradoxalement humain et vulnérable. or il ne s'agit pas de n'importe quel roi, mais de Georges VI, roi d'un empire en grande métamorphose, comme d'ailleurs le monde entier à cette époque.

au début de son règne la Grande Bretagne est le plus grand empire du monde, à la fin c'est juste un royaume (comme tant d'autres?). c'est donc un monarque pendant une époque des troubles, un chef d'Etat qui doit savoir parler à sa nation, l'encourager en temps de guerre (Seconde Guerre mondiale) et la consoler après les grandes pertes. c'est aussi une époque ou les peuples misent beaucoup sur le côté charismatique de leurs leaders, sur leur force d'expression, qui est comme l'histoire nous la montre, une puissance incroyable, pouvant mobiliser une nation contre une autre. voire l'exemple d'Hitler, de Mussolini ou de Charles de Gaulle. difficile de bégayer à une époque ou les discours des grands font la pluie et le beau temps dans le monde (non que ça ait beaucoup changé, mais on est quand même moins sensible aujourd'hui aux grands discours ou du moins l'effet qu'un discours peut faire sur un peuple est beaucoup plus limité dans le temps)

c'est quoi le pouvoir de s'exprimer devant les gens, de pouvoir les calmer ou les convaincre si ce n'est pas la voix? si on revient à l'exemple de de Gaulle - son discours à la BBC qui marque le point de départ de la résistance française; son fameux "Je vous comprend" pendant la guerre en Algérie ou son osé "Vive le Québec libre" à côté du premier ministre canadien. il mâchait pas ses mots, le général, une précision visionnaire et un grand élan dans ses discours, des mots qui ont bâti toute une époque.

c'était donc vital de bien parler à son peuple. mais un roi bégayant et surtout un qui vit un drame intérieur à cause de son défaut, ça risquait de tomber dur dans ces temps des troubles pour une nation toute entière.
Why should I listen to you? Because I have a voice!

le film montre l’impressionnant parcours du roi qui apprend à parler, en dépassant le bégaiement, mais surtout son complexe lié à ce défaut de parole. extraordinaire jeu du comédien Collin Firth, c'est vraiment le rôle de sa vie (du moins jusqu'à présent)

l'histoire est d'autant plus intéressante si on compte le fait que le monarque apprendra à parler à côté d'un grand spécialiste qui, en fait, n'est qu'un acteur malheureux, amoureux de Shakespeare, rejeté par les théâtres britanniques en partie pour son âge, en partie pour son accent.

un autre attrait la performance de la comedienne Helena Bonem Carter, que le spectateur c'est habitué de voir en sorcière ou, plus récemment, dans le rôle de la reine Rouge dans la dernière adaptation d'Alice. c'est littéralement un bijou, le rôle qu'elle fait, fin et discret, mais également savoureux et chaud, comme une bonne tasse de thé anglais. son accent britannique est tout simplement ravissant.

un film qui fait 100% sur 100%. à voir absolument, en anglais britannique, bien entendu.

Long live the king...

sur les classiques et les petits oiseaux endormis


les classiques... un thème qui fâche, un thème qui n'est plus en vogue (malgré les années littéraires qui leurs sont dédiés et les journaux de leurs épouses-maîtresses-névroses qui sont publiés plus récemment).
outre les opéras de Puccini, les concerts de Mozart ou les symphonies de Haydn, les classiques littéraires sont plus lourd à digérer. et cette digestion postérieure concerne moins l'activité littéraire que tel ou tel écrivain a légué à la postérité, mais plutôt les clichés que les différentes époques sont allées chercher dans leurs époques et les attitudes que l'on a su prendre vis-à-vis des limites de l’interprétation.

une chose est sûr et certaine, un classique n'est plus qu'un classique, ça sert à rien de lui gommer certaines parties afin de lui attribuer d'autres qualités ou victoires, un poète national n'est pas un lave détergent universel, ce n'est pas un morceaux d'élastique qui puisse intégrer toute la nation (de toute façon n'essayez même pas, car y aura toujours quelqu'un à rester dehors), et puis, il ne faut point leur reprocher ce qu'ils n'ont pas été (valais mieux faire ceci avec les vivants, qui ont encore cette merveilleuse faculté de changer, pourvu que l'on trouve le bon reproche...), mais une fois qu'on les apprécies, de compter plutôt leur mérites et non pas leurs lacunes

à cette discussion sur les classiques, poètes nationaux et autres, s'ajoute un point extrêmement sensibles qui met en place (miraculeusement) des armées de soupes au lait fort sensibles à toute remarque concernant leurs génies nationaux (détail que l'on pourrait attribuer sans doute à l'immaturité nationale de ces peuples - pour vous en convaincre essayer de parler à un Français sur points faibles de V. Hugo et puis faites le aussi avec un Roumain [mais plus avec Hugo :-P]) - les classiques de l'Est européens

des Russes et des Ukrainiens en train de se partager l'oeuvre de Gogol, des Roumains et leurs éternels amis les minorités hongroises en train de bouder le poète national Eminescu etc etc

le cas d'Eminescu est peut être plus intéressant. romantique tardif, génie quoi que l'on puisse lui reprocher, homme de lettres d'une vocation encyclopédique, pris en otage au fur et à mesure par les dictatures et les régimes totalitaires (à noter que jusqu'à la chute du communisme il était poète national dans deux pays communistes - Roumanie et Moldavie, chacun des pays insistant sur l'appartenance du classique à son patrimoine culturel, donc il était à la fois Roumain et Moldave, ce qui grâce aux camarades de Moscou durant une longue époque a été une chose contradictoire...)

mais hélas, un poète n'est pas un meuble que l'on puisse partager, redorer ou réparer, il est d'abord un homme de son temps, un homme qui fait la somme de certaines valeurs, qui lit beaucoup (se rappeler l'épisode berlinois de la vie d'Eminescu, sa valise bourrée de livres), qui écrit malgré tout et qui est aussi un homme, un peu comme tout les autres si on ne compte pas son oeuvre, avec des qualités et des défauts, des croyances et des doutes, comme on l'est nous aussi, n'est pas?

et bien si je reviens cette fois si à Eminescu, que j'apprécie avant tout pour sa proses et ses poèmes (sans doute parce que j'aime plus la prose que les vers), mais aussi parce qu'il est plus visionnaire dans sa prose et plus romantique dans ces vers, et moi j'ai un problème avec la façon bavarde des romantiques de faire ancrer leur sentiments pleurnichards en rime et rythme (j'aime surtout le vers laconique post baudelairien). ce qui me semble énervant dans le cas de ce poète, ce la façon de concevoir son oeuvre par clichés, à tel degré que c'est fait des lunettes et l'on ne voit plus que ça poésie pour les ados et les enfants, des petits oiseaux endormis devant les moues idiotes des lecteurs naïf. non que j'exige de chacun un lecteur expérimenté (je suis certes utopiste, mais pas à ce point), mais il faut cesser traîner les mêmes idées derrière soi, il faut évoluer peu. vous vous imaginez quelqu'un qui mange depuis 30 ans le même plat tout les jours? une omelette par exemple (30*365*3=32850 omelettes!!!!!!) difficile à imaginer, hein? alors pourquoi faire le toutlemonde, pourquoi laisser des clichés se promener dans votre discours sans même changer d'habit comme des charbovarys (pour en citer un autre grand classique)?
pourquoi donc dire qu'Eminescu vous apprend à aimer (citation de Camil Petrescu), s'il ne vous l'apprend pas? faut il aller jusqu'à interdire la poésie aux gens qui ne la comprennent pas juste pour ne pas entendre des commentaires copié-collés? et voilà une question qui pourrait faire la réflexion de certaines associations incertes (le dico me suggère inerte :-)) lors des manifestations culturelles

d'ici là il faudra revisiter les classiques ou au moins les fiches un peu de paix, en les épargnants des commentaires passepartout.

PS: petits oiseaux endormis, bonne nuit....