tout commence avec la voie roque du réveil matin. tes yeux commencent à s'agiter sous tes paupières. six heures moins dix. après un long moment d'hésitations tu te lèves avec beaucoup de peine. pas évident les matins sans café. zut, t'as plus de café. tu râles sous la douche, râle dans la cuisine. c'était vraiment pas le cas d'oublier. une cigarette de t'aide pas trop. la douche froide n'a fait qu'approfondir ton mauvais humeur matinal. bref, un des matins qui font chier tout le monde et qui nous fait emmerder les autres. y aura pas de miracle. pas ce matin en tout cas. à cause de ce putain de café t'as oublié une boucle d'oreille chez toi, tu cherches un autre au bar le plus proche, juste le temps de rater le bus, or, pour bien finir un matin qui a déjà mal commencé il faut être en retard au boulot pour que le chef te tape dessus. le café avalé à la hâte t'a brûlé la langue. t'as la tête lourde. fallait pas rester jusqu'à une heure du matin à lire Proust. fallait pas? mais si, c'est un des moments ou tu descend dans un autre monde, un univers de sensations métaphoriquement enlacées autour de ton imagination. le style de Proust de fait du bien. d'abord t'oublie the dying animal, ce livre frustrant, tellement machiste, tellement sec et puis sa te rappelle ton enfance à Aix. ah, ce temps incroyablement sonore, des après midis sous le soleil méditerranéen, tu coures nu pieds sur la plage, le sable chatouillant ta peau.
au lieu d'aller déjeuner tu choisit le bar le plus proche. espresso doppio. une heure entière dans ce monde onirique proustien. faudra pas oublier de commander le café par internet, mais d'abord tu achèteras en ligne le volume suivant du roman. la lecture envahit ton esprit, tu fumes lentement, inconsciemment presque. tes gestes ce succèdent avec une régularité cartésienne. tu ne remarque point le jeune homme de la table voisine. ça fait dix minute qu'il te regardes avec l'obstination de retrouver ton regards. il se demande si tes yeux sont verts ou noirs... mais toi, tu es loin, tellement différente du monde qui t'enture.
il te suit jusqu'à ton bureau. il pleut. tu rentres à grade vitesse. les goutes et la bises ne réussissent pas à t'arracher du monde proustien. les trois heures et demi de boulot s'écoulent vite. t'as enfin réussi à te réveiller. ta tête est plus fraîche que jamais. c'est décidé ce soir tu vas à Tate Modern avant d'aller chez toi. quelle illusion. lui, il t'attend en bas. dix-huit heures. tu souris en sortant à tes collègues et puis tu sort en grande vitesse pour réussir de prendre le métro. mais à la sortie tu te heurtes d'un jeune inconnu. de cet impact ton bouquin tombe par terre. il va le cueillir. pour la première fois vos regards se rencontrent. il constate avec un petit air narcissique que tes yeux sont vers. 'émeraudes'-'pardon?' au bout de la deuxième phrase il t'invite à prendre un café avec lui. tu hésites, tu pense refuser, mais pour l'instant t'as du mal à dire non. te voilà donc avec un quatrième café à jeun. pas ton ton nouveau régime...
est-ce Proust qui vous a mis ensemble. surtout pas. c'est le pur hasard, pourtant c'est bine le livre qui t'as fait rêver les yeux ouverts pendant toute la journée, c'est lui qui t'as redu accro au café et qui t'as caché dans une couche mystérieuse de solitude savante.
s'il faut aimer le beau, c'est pour apprendre à aimer, pour se laisser et se faire aimer, pour sentir doucement, inconsciemment un poème inédit que vous allez écrire chacun(e) à vos goûts à partir d'une nuit blanche sous le signe de Proust
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