j'ai jamais pensé qu'il soit tellement compliqué de s'entendre... c'est facile à débiter les mots, à dire des choses, c'est facile à décrire ce que tu ne connaît pas et encore plus dur de s'entendre
c'est facile de reprocher, de t'approprier l'état de victime, je pense à des choses, tu penses à d'autres, on a tous les deux la certitude de parler la même langue
mais un vraie gouffre entre nous deux
or, le problème c'est que chacun parle à son miroir, je parle à l'image que j'ai de toi, tu - au rôle que tu me colles à la peau chaque fois que j'ouvre la bouche devant toi
voilà donc notre vie passer comme une joute irréaliste, comme un funambulesque jeux de mot, on rit, on suggère ou encore on tue le sens, on s'enterre dans le stoïcisme d'un silence ordinaire
mais malgré tous les mots, tous les livres lu, la chair est triste, gavée de stéréotypes - on change les états d'âme comme des habits
et on rit, on rit sauvagement de notre propre bêtise
ce qui est paradoxal - plus on a des moyens pour s'entendre, moins on s'entends - la proximité nous rends sourds et aveugles, inertie à décrire devant des psy bien calés dans la matière... ma foi, hier en envoyant une lettre de Paris à Hong Kong on devait attendre jusqu'à dix jours pour avoir la réponse, aujourd'hui, dès qu'on envoie le message, on veut la réponse tout de suite; pire encore - si on l'a pas au bout d'une heure, on le prend mal, on se fâche - ah, il m'en veut, il a une dent contre moi, il veut que je me vexe - encore une heure, toujours pas de réponse
on rouvre la courriel, on relit le message envoyé, on cherche le mot qui l'a pu rendre plus susceptible que d'habitude... c'est pas vrais ça, comment j'ai pu lui écrire ceci... mais il va pas se fâcher juste pour cette phrase un peu dingue... je le croyait pas tellement sensible aux lettres ordinaires...
après trois heures toujours rien... on est au bout de sa patience... comme si l'autre ne faisait rien d'autre que lire et répondre à tes lettres, comme s'il n'avait pas besoin de manger, dormir, rêvasser, lire, prendre sa douche, aller aux toilettes, en avoir marre...
bref, dans ce marécage d'infantilisme affectif (comme Alice l'aurait dit) on sait pas du tout comment parler avec l'autre
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