ce matin je me réveille à 6 heures deux secondes avant déclenchement de la voix rauque de ma nokia, je me regarde sans m'apercevoir dans le miroir du lavabo. aucune arrière pensée lacanienne ne m'est venue à l'esprit. ma brosse à dents a le goût humide d'un pêché ordinaire
à six heures et quart je prends mon café imaginaire dans l'ascenseur. descente métallique dans le ventre d'une nouveau jour.
le premier jour du reste de ma vie j'attends le métro dans une ville étrangère, dans une foule qui sent clope et café, parmi des têtes aux écouteurs d'ipod. des gens attendant au bord des rails.
le métro arrive, on descend, on monte. au bout d'un moment je me retrouve dans un wagon aux chaises jaunes, à ma droite une fille, cheveux frisés, noirs; elle lit un gros bouquin. comment peut elle lire en bruit et déséquilibre. à ma gauche un métisse, tête aux écouteurs, en train de bouger dans un rythme anonyme. je cherche un repère dans le livre de ma lectrice, je capte vaguement les sons de l'ipod voisin. j'ai soif. nouvelle station, on descend, on monte. la lectrice a une valise verte à ses pied, sale, on dirait des tâches de tomates. elle n'a pas l'air de renifler les boites aux bloody mary. ça peut être du sans sur sa valise. il peut y avoir un cadavre dedans. elle prends un gros couteau de cuisine et se jette sur la poitrine maigre de son amant. j'ai perce ton coeur au couteau, car mon amour n'y arrive plus. un cadavre sur le plancher de la cuisine, un lac de sang perle à côté. la lectrice enlève ses lunettes. elle me regarde. je suis son miroir elle s'y retrouve pas. ses yeux sont verts. comme sa valise, mais y a pas des tâches de sans dedans. nouvelle station, on descend, on monte. l'ipod et son métisse descendent. un type maigre repreds sa place. chemise verte sans tâche, bien repassée. cravate verte. pantalon gris. la faune qui meuble les bureaux des grandes compagnies de la vielle ville.
la lectrice remet ses lunettes. elle rouvre son livre, redescend dans sa lecture. j'ai pas eu le temps de voir le titre. elle lit quoi cette tueuse sans gages? une romance nerveuse? une fiction rose? trop tôt mettre à jour son libido. le bureaucrate vert n'est certainement pas un écolo. devant moi une vielle dame parle à son chien. je suis devant elle, j'suis sûr qu'elle me voit même pas. elle voit que son chien comme ma lectrice voit que son bouquin. on est tous dans un aquarium sur les rails. je noue mes idées. une dame au fond a un sac LV. du bling bling dans le métro. nouvelle station, on descend, des ados montent à bord. ils parlent fort. ils rigolent. le téléphone du bureaucrate se met à hurler. le vert parle d'une voix rauque. il doit fumer non esprit nihiliste aujord'hui j'ai rendez vous avec Mélanie avec Mélanie Laurent? demain je dîne chez des amis c'est donc son amante justement, je vais passer la nuit chez eux pas de chance ma petite, cherche toi un autre vert, y en a pas mal dans la ville mais non Laurent, peut être la semaine prochaine c'est à un mec qui parle, un amant trompé? il peut être libertin, mais pas gay.
les ados parlent trop fort. nouvelle station, nouveaux personnages dans ma fiction. un inconnu connu jean man. un homme qui vit la crise de sa quarantaine. lunettes harry potter, coiffure johnny haliday. la lectrice ferme son livre. elle laisse passer les ados qui migrent dans l'autre bout du métro. le chien aboie. la vielle dame râle. le jean man s'assoit à côté du vert. une tête aux écouteurs arrive à la place des ados. la lectrice enlève ses lunettes. nouvelle station. ses lunettes tombent par terre. le vert sort en vitesse. il écrase les lunettes d'une lectrice qui lit pas. le jean man se penche vite pour aider la victime. une obèse en herbe prend sa place. elle met son sac sur les genoux et avec ses mains courtes retrouve une moitié de croque monsieur. une vague odeur fromage salami se répand autour. regard furtif/fautif du chien. coup de foudre entre un chien qui salive et le croque monsieur. le jean man est devant l'ex-lectrice. des yeux qui cherchent à consoler une perte de lunettes. la petite a juste récupéré les morceaux de lentille sans rien dire. c'est la vielle dame qui râle à sa place. la grassouillette a des rondeurs intéressantes. la freud database est déjà mise à jour dans ma tête. nouvelle station, je descend dans le flux mécanique de la foule. l'écho du métro qui part. je prend l'escalier pour sortir à la surface. le reste de ma vie s'épanouit à mes pieds. mais d'abord huit heures de travail. le soir je retournerai à pied.